Épisode 1 – Justice transitionnelle. La Syrie à la croisée des chemins.

De la chute du régime à l’exigence de vérité

Le portrait de Bashar Al-Assad brûlé sur un bâtiment officiel de l’ancienne armée du régime renversé à l’entrée de Al-Tadamon, un des quartiers martyrs de la politique sanguinaire de l’ancien régime. AlTadamon, Damas. Syrie. 27 Mai 2025. © Audrey M-G./ SpectoMédia.

Le 8 décembre 2024 marqua la chute du régime de Bachar al-Assad, mettant fin à plus de treize années de guerre civile dévastatrice. Ce tournant laisse une Syrie profondément ravagée, avec une société déchirée et des cicatrices encore béantes. Le pays se retrouve désormais face à une tâche monumentale : chercher la vérité, instaurer la justice et réconcilier un peuple ébranlé. Mais comment évaluer l’étendue des crimes perpétrés, rétablir la confiance entre communautés et reconstruire un tissu social anéanti par des années de violence extrême ? La justice transitionnelle s’impose comme une réponse possible. Ce cadre englobe divers mécanismes, judiciaires, institutionnels, politiques et symboliques, visant à traiter les violations massives des droits humains survenues durant des conflits ou sous des régimes autoritaires. Toutefois, le cas syrien présente des défis immenses liés à l’ampleur inégalée des atrocités, la diversité des acteurs armés impliqués et l’effondrement complet de l’appareil étatique.

Dès les premiers jours suivant la chute du régime, plusieurs initiatives émanant des communautés locales ont émergé dans les territoires repris par l’opposition. Des comités de victimes ont été établis, les témoignages ont commencé à être collectés, et des tentatives d’identifier les charniers récemment mis au jour ont été entreprises. Ces efforts révèlent qu’au-delà du processus abstrait de « transition », il s’agit avant tout de répondre aux drames humains concrets : des milliers de vies brisées qui réclament réparation. 

Toute réflexion sur la justice transitionnelle en Syrie gagne à s’inspirer d’expériences similaires menées ailleurs. Le génocide rwandais de 1994 a donné naissance aux tribunaux hybrides et aux mécanismes communautaires Gacaca [1], qui ont jugé des centaines de milliers d’individus tout en alimentant des débats complexes. En Bosnie, après la signature des accords de Dayton, le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a poursuivi les principaux auteurs des crimes de guerre dans une société encore profondément divisée [2]. En Argentine, les procès des militaires responsables sous la dictature des années 1980, suivis par diverses actions mémorielles, ont démontré l’importance d’articuler justice pénale et préservation de la mémoire collective. La Syrie semble appelée à suivre une voie similaire, où la réconciliation repose sur une difficile mais nécessaire quête de vérité.  Ces précédents soulèvent une question cruciale : quelle direction emprunter pour établir une justice équitable ? Une justice internationale par le biais de la Cour pénale internationale (CPI) ? Des tribunaux hybrides spécialement constitués ? Des commissions locales axées sur la vérité et la réconciliation ? Ou une combinaison de ces approches ? Iyad Al-Shaarani, avocat syrien spécialiste des droits humains rencontré à Jaramana, en périphérie de Damas, insiste sur l’importance d’un processus légitime. Selon lui, il est essentiel d’éviter de reproduire les erreurs du passé : « La Syrie a besoin d’une justice qui soit à la fois indépendante, transparente et centrée sur les victimes. Sans cela, nous ne ferons que préparer le terrain à de nouvelles violences. » La tâche est titanesque, mais pourra-t-elle répondre aux attentes d’une population trop longtemps accablée par l’impunité ?

Contexte historique

En mars 2011, portés par le vent de liberté du Printemps arabe qui soufflait sur le monde arabe, des Syriens descendent dans la rue. Leurs revendications sont simples et universelles : plus de démocratie, plus de liberté, la fin d’un régime autoritaire qui les étouffe depuis des décennies. Ce qui devait être un mouvement pacifique va tragiquement déraper.

Face aux manifestants, le régime de Bachar al-Assad répond par la violence. Une violence brutale qui va pousser le pays dans une spirale infernale dont il ne s’est toujours pas remis. Progressivement, le conflit se militarise. Ce qui était un soulèvement populaire devient une guerre civile d’une complexité étourdissante. Le régime syrien se retrouve épaulé par la Russie et l’Iran, tandis qu’une mosaïque de groupes rebelles émerge sur le terrain. L’apparition de Daech [3]et d’al-Nosra [4] vient encore compliquer l’équation, suivie de l’implication des Forces Démocratiques Syriennes [5]. Sans oublier les puissances régionales et internationales qui viennent ajouter leurs propres intérêts au tableau, transformant la Syrie en un véritable échiquier géopolitique où se jouent des parties dont les civils payent le prix fort.

Le conflit syrien restera dans l’histoire comme l’un des plus meurtriers et destructeurs de notre époque. Les violations des droits humains et du droit international ont été systématiques, massives, commises par tous les camps sans exception. Ce qui frappe, c’est l’ampleur et la diversité des atrocités perpétrées, comme si toutes les limites de l’humanité avaient été franchies simultanément. Les enquêteurs internationaux, notamment ceux de la Commission d’enquête indépendante sur la Syrie, ont rassemblé des preuves accablantes qui témoignent de l’horreur quotidienne vécue par les Syriens. Les massacres se sont succédés, alternant exécutions sommaires et tueries de civils en masse, sans distinction d’âge ni de genre. La torture a été érigée en système, particulièrement dans les centres de détention gouvernementaux. Les photos dites « Caesar » [6] ont révélé au monde l’ampleur de cette barbarie organisée, montrant des corps émaciés, torturés jusqu’à la mort. Plus des centaines de milliers de personnes ont littéralement disparu, volatilisées sans laisser de traces, laissant leurs familles dans une angoisse permanente, sans même un corps à pleurer. Des milliers d’autres ont été emprisonnés sans raison, victimes d’arrestations arbitraires de masse qui visaient à terroriser la population [7]. Le viol et les violences sexuelles ont été utilisés délibérément comme armes de guerre, transformant les corps en champs de bataille. Certains groupes ont été persécutés de manière ciblée pour leurs opinions politiques, leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse, dans une logique de nettoyage et d’élimination systématique. [8]

Sur le terrain, tous les camps ont franchi les lignes rouges avec une facilité déconcertante. Les civils se sont retrouvés en première ligne, subissant des bombardements aveugles sur leurs quartiers résidentiels. Les hôpitaux, qui auraient dû être sanctuarisés, sont devenus des cibles prioritaires. Les écoles ont été réduites en poussière, privant toute une génération d’enfants de leur droit à l’éducation. Les marchés, lieux de vie et d’échanges, ont été régulièrement ensanglantés par des attaques indiscriminées. L’innommable a été franchi avec l’utilisation d’armes chimiques. Le gaz sarin et le chlore ont été employés à plusieurs reprises, brisant l’un des tabous les plus universels de l’humanité. On se souvient particulièrement de l’attaque de la Ghouta en août 2013, où des centaines de personnes ont péri dans d’atroces souffrances, et de celle de Khan Cheikhoun en avril 2017, qui a une nouvelle fois choqué la conscience mondiale.[9] Ces attaques ont transformé des quartiers entiers en chambres à gaz à ciel ouvert. La tactique du siège a été largement employée, avec des villes entières encerclées et privées de tout approvisionnement. La famine a ainsi été utilisée comme une arme militaire pour briser la résistance des populations civiles. Les images d’enfants décharnés dans les zones assiégées ont fait le tour du monde, témoignant de cette stratégie inhumaine. L’enfance elle-même n’a pas été épargnée, avec des milliers d’enfants enrôlés de force comme soldats par différentes factions, les privant de leur innocence et de leur avenir [10]. Enfin, la destruction systématique s’est abattue sur le pays, avec des pillages organisés et des destructions massives qui ont rayé de la carte des pans entiers du patrimoine syrien. [11]

Les chiffres donnent le vertige et racontent l’une des plus grandes tragédies humanitaires de notre temps. Près de sept millions de Syriens ont été chassés de chez eux mais restent prisonniers des frontières de leur propre pays, déplacés internes sans réel foyer. Plus de six millions et demi d’autres ont fui à l’étranger, dispersés dans les pays voisins comme la Turquie, le Liban ou la Jordanie, et au-delà, jusqu’en Europe et ailleurs dans le monde. Ces réfugiés portent avec eux le poids d’une vie brisée, d’une maison abandonnée, de proches disparus. Des quartiers entiers ont été rasés, ne laissant que des ruines fantomatiques où résonnent encore les échos d’une vie d’avant. Des populations entières ont été déplacées de force, dans une logique de recomposition démographique qui a définitivement changé le visage de la Syrie. Chaque famille syrienne porte en elle au moins une histoire de déplacement, d’exil, de séparation. Cette guerre a transformé un peuple enraciné en une nation errante.

Les enquêtes internationales sont formelles : le gouvernement de Bachar al-Assad et ses services de sécurité portent la responsabilité de la majorité des atrocités documentées. Le réseau de centres de détention où la torture était pratiquée de manière systématique reste l’un des aspects les plus glaçants de cette répression. Les bombardements aériens sur les zones civiles ont fait des dizaines de milliers de victimes, souvent dans l’indifférence calculée des conséquences humanitaires. L’utilisation répétée d’armes chimiques par le régime a franchi tous les tabous internationaux. Enfin, la politique délibérée de siège et de famine, visant à soumettre les populations par la privation, constitue l’un des crimes les plus systématiques de ce conflit.[12] Si le régime porte la responsabilité principale, certaines factions de l’opposition armée ont elles aussi franchi la ligne rouge. Des attaques contre des civils ont été perpétrées, parfois en représailles, parfois dans une logique de terreur. Des exécutions sommaires sans procès ont eu lieu dans des zones contrôlées par ces groupes. Des prises d’otages ont été organisées, souvent pour obtenir des rançons ou procéder à des échanges de prisonniers. Plusieurs groupes ont également été accusés d’avoir recruté et utilisé des enfants soldats, perpétuant ainsi le cycle de violence sur les générations futures. L’État islamique, plus connu sous le nom de Daech, et d’autres organisations djihadistes ont ajouté leur lot d’atrocités à ce conflit déjà sanglant. Les massacres de masse perpétrés par ces groupes ont visé particulièrement les minorités religieuses, dans une logique d’épuration. L’esclavage sexuel a été pratiqué de manière systématique, notamment contre les femmes yézidies et d’autres minorités, transformant des êtres humains en marchandises. La destruction du patrimoine culturel syrien, notamment à Palmyre, a été mise en scène dans une volonté d’effacer l’histoire et la mémoire collective. Les exécutions publiques, filmées et diffusées sur internet, visaient autant à terroriser les populations locales qu’à servir d’outil de propagande macabre. Même les Forces Démocratiques Syriennes, souvent présentées comme un acteur plus modéré du conflit, font face à des accusations documentées. Des cas de détentions arbitraires ont été signalés dans les zones sous leur contrôle. Des déplacements forcés de populations ont été dénoncés, particulièrement dans certaines zones à majorité arabe. Des allégations de recrutement d’enfants soldats ont également été formulées à leur encontre, montrant qu’aucun acteur de ce conflit n’a vraiment les mains propres.[13]

Marque du passage de ISIS dans le quartier de Al-Tadamon. En plus des gangs de Shabiha et les forces de sécurité, soutenus par l’armée régulière syrienne, qui commettaient quotidiennement des massacres sur les populations civiles, ISIS contrôlait également une partie du quartier de al-Tadamon. Les exactions commises par l’État islamique en Syrie sont considérées comme des crimes de guerre et contre l’humanité. Al-Tadamon, Damas. Syrie. 25 Septembre 2025. © Audrey M-G./SpectoMédia.

Cadre conceptuel de la Justice Transitionnelle et les enseignements des expériences historiques :

Le concept de justice transitionnelle a émergé dans les années 1990, à une époque marquée par la chute de dictatures et la fin de guerres civiles en Amérique latine, en Afrique et en Europe de l’Est. Il désigne un ensemble de mécanismes permettant à une société de surmonter un passé de violences massives tout en établissant les bases d’un futur apaisé et démocratique. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la justice transitionnelle repose sur quatre piliers :

Le droit à la vérité : documenter les violations, identifier les responsables et offrir aux victimes ainsi qu’à la société une compréhension claire des événements passés.

La justice : juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de violations graves des droits humains.

Les réparations : reconnaître la souffrance des victimes par des mesures matérielles, symboliques ou sociales.

Les garanties de non‑répétition : réformer les institutions, notamment l’armée, la police et la justice, afin de prévenir le retour des violences.

En pratique, la justice transitionnelle peut prendre des formes variées : tribunaux internationaux tels que le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) [14], commissions Vérité et Réconciliation comme en Afrique du Sud [15], ou encore des procès nationaux, à l’instar de ceux menés en Argentine après la dictature [16]. L’universitaire Ruti Teitel, reconnue pour sa contribution majeure à la réflexion autour de ce concept, offre une synthèse claire : « La justice transitionnelle n’est pas une recette, mais un cadre. Elle oblige les sociétés à regarder leur passé en face, tout en posant les conditions de leur avenir démocratique. »
En Syrie, cette définition prend une dimension profondément cruciale. Treize années de guerre y ont laissé une trace tragique : fosses communes, prisonniers portés disparus, villes dévastées et millions de réfugiés éparpillés dans la région et au-delà. Anwar al‑Bunni, avocate syrienne et militante des droits humains ayant documenté les crimes du régime, insiste sur les enjeux essentiels : sans vérité, la confiance restera hors d’atteinte; sans justice, la paix ne sera jamais possible. Iyad Al‑Shaarani, actif à Damas dans des collectifs soutenant les victimes, rappelle que la justice transitionnelle n’est pas un concept importé de l’extérieur mais une nécessité incontournable. Selon lui, refuser aux familles des disparus l’accès à la vérité et à la justice condamnerait la Syrie à rester prisonnière de ses traumatismes : « La justice transitionnelle n’est pas une idée importée de l’extérieur. C’est une nécessité. Si nous ne donnons pas aux familles de disparus le droit à la vérité et à la justice, alors la Syrie restera prisonnière de ses blessures. »

L’histoire contemporaine regorge d’exemples marquants qui alimentent la réflexion sur la justice transitionnelle en Syrie, un pays meurtri par une dictature de longue durée et par un conflit qui dure depuis plus d’une décennie. Chaque expérience, avec ses réussites et ses échecs, éclaire le chemin complexe qu’il reste à parcourir vers une réconciliation juste et durable.

En 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Tribunal Militaire International de Nuremberg marque l’émergence d’un cadre pour la justice pénale internationale [17]. Pour la première fois dans l’histoire, des dirigeants d’un État vaincu sont poursuivis et jugés pour crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l’humanité. Bien que ce précédent ait été critiqué comme une justice des vainqueurs, il demeure une étape essentielle du droit international pénal. Selon un ancien juge du tribunal cité par l’ONU, ce procès représentait bien plus qu’une condamnation: il incarnait le message que les chefs d’État ne pouvaient agir en toute impunité. Philippe Sands, historien du droit, souligne que « Nuremberg a montré qu’aucun dirigeant ne pouvait être au-dessus des lois. » Ce principe résonne encore dans le contexte syrien.

Près de cinquante ans plus tard, en 1994, le génocide des Tutsis au Rwanda expose brutalement les failles de la communauté internationale. En l’espace de cent jours, près de 800 000 vies sont perdues. Face à l’impuissance, le Conseil de sécurité créé le TPIR à Arusha [18]. Ce tribunal a porté devant la justice de nombreux responsables rwandais, mais il a aussi été critiqué pour sa lenteur et son éloignement des victimes. Devant ces limites, le Rwanda a complété l’approche internationale par les juridictions locales Gacaca, basées sur des pratiques communautaires. Carla Del Ponte, ancienne procureure du TPIR, rappelle que « le TPIR a jugé 61 personnes en vingt ans, mais il a ouvert une brèche : celle de l’inéluctabilité de la justice internationale ». En Bosnie, les procès de Srebrenica et les condamnations de Ratko Mladić et Radovan Karadžić [19] illustrent la nécessité de poursuivre les plus hauts responsables pour mettre fin à l’impunité et d’établir des mécanismes locaux au contact direct des victimes. Les Mères de Srebrenica [20] ont exprimé leur douleur et leur attente de justice : « Protéger les civils ne peut pas se limiter à des casques bleus spectateurs. Il faut des institutions capables de juger sinon les massacres se répètent. » Des leçons émergent : poursuivre les responsables les plus hauts en titre, associer les mécanismes nationaux et locaux, et concilier mémoire, réconciliation et justice dans les sociétés marquées par les conflits. « La Syrie se trouve à la croisée des chemins : répéter les erreurs de la Bosnie, ou inventer un modèle hybride qui tienne compte de son histoire propre », estime Kathryn Sikkink, professeure de droits humains à Harvard. L’ancien ambassadeur rwandais aux Nations Unies, Joseph Nsengimana, rappelle : « La vérité libère la parole et redonne une part de dignité aux victimes. »

Plus de vingt ans après le massacre de près de 8 000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, Radovan Karadžić, ancien chef politique des Serbes de Bosnie et ancien président de la République Srpska, a été condamné à une peine de quarante ans de prison. Le marteau ayant servi à acter le verdict pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre est exposé à la mairie de Sarajevo. Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. 11 Juillet 2025. © Audrey M-G./SpectoMédia.

La base UN néerlandaise de Potočari, ville déclarée « zone de sécurité » par l’Organisation des Nations unies, 400 Casques bleus néerlandais, présents au moment du massacre, n’ont pas protégé les civils dans cette zone et ont autorisé la séparation des hommes et des femmes, après quoi les hommes ont été exécutés et les femmes expulsées sous les ordres du général Ratko Mladić. Sur le mémorial du génocide de Srebrenica, on peut y lire « 8372… le nombre n’est pas définitif » car chaque année, de nouveaux ossements sont découverts. Srebrenica, Bosnie-Herzégovine. 13 Juin 2024. © Audrey M-G./SpectoMédia.

Pour la Syrie, la tension entre la nécessité d’une justice internationale et l’importance d’une justice locale demeure centrale. Reed Brody, juriste spécialiste des crimes de masse, rappelle : « Pour la Syrie, la question sera la même qu’au Rwanda : comment articuler justice internationale et justice de proximité ? » Comment concilier des mécanismes internationaux capables d’assurer une traçabilité juridique globale avec des approches locales intégrant les communautés affectées directement par les atrocités? Toutefois, les expériences en Argentine et au Chili montrent aussi le pouvoir de la vérité documentée comme socle de reconstruction. Le rapport Nunca Más (1984) demeure une référence mondiale [21], documentant les disparitions forcées et établissant une mémoire collective. Au Chili, la Commission Rettig (1991) a contribué à briser le mur de l’impunité [22]. Ces expériences montrent le rôle crucial de la société civile: lorsque l’État vacille, ce sont les familles, les associations et les survivants qui font avancer la justice. En Argentine, les Mères de la Place de Mai [23] ont transformé leur douleur en mouvement et imposé au pays de confronter son passé. La Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud [24] a placé le témoignage public des victimes au centre du chemin vers la guérison, démontrant que la voix des victimes n’est pas un complément, mais la condition même de la réconciliation. Le Liban reste et demeure le contre-exemple de l’amnistie générale à ne pas suivre. Après la guerre civile (1975-1990), les Accords de Taëf [25] ont institué une amnistie générale couvrant les crimes de guerre. Trente ans plus tard, les conséquences sont désastreuses: confessionnalisme exacerbé, corruption omniprésente et société incapable de se confronter à son passé. L’absence de justice engendre non pas la paix, mais une instabilité chronique.

Les mécanismes de justice transitionnelle applicables.

La justice transitionnelle pour la Syrie repose sur une approche holistique [26] qui combine mécanismes judiciaires et non judiciaires, afin de répondre aux crimes graves tout en préparant la société à une paix durable. Sur le plan judiciaire, plusieurs pistes existent, chacune présentant ses avantages, ses limites et ses conditions d’application.

La première option repose sur la juridiction universelle. Cette voie permettrait à des tribunaux nationaux d’instruire et de juger des crimes internationaux graves indépendamment du lieu de leur commission ou de la nationalité des auteurs et des victimes. En Europe, elle s’est traduite par des procès importants: en Allemagne, des affaires comme Iyad al-Gharib (condamné en 2021) et Anwar Raslan (condamné en 2022 à perpétuité) pour crimes contre l’humanité; en France, des enquêtes ouvertes visant des hauts responsables du régime [27]; en Suède, des condamnations pour crimes de guerre; et des procédures en cours aux Pays‑Bas et en Autriche [28]. Cependant, cette approche demeure limitée par le nombre réduit de cas traités, la nécessité de la présence physique des suspects devant les tribunaux, des coûts élevés et des difficultés d’accès aux témoins et preuves. Elle reste néanmoins une boussole importante, surtout lorsque d’autres mécanismes se heurtent à des obstacles politiques ou juridiques.

La seconde option demeure la Cour pénale internationale (CPI) [29]. La Syrie n’a pas ratifié le Statut de Rome [30], ce qui restreint mécaniquement la compétence de la CPI. La Cour pourrait intervenir si la Syrie accepte sa compétence, une probabilité faible, ou si le Conseil de sécurité de l’ONU [31] saisit la Cour, mécanisme qui se heurte fréquemment aux veto du Russie et de la Chine. Les tentatives de saisine du Conseil de sécurité, notamment en mai 2014, ont été bloquées par ces vetos. Une voie alternative serait que la CPI examine certains crimes commis par des ressortissants syriens sur le territoire d’États parties (par exemple la Jordanie). Cette option reste limitée mais peut afficher une extension de l’action pénale internationale, surtout lorsque le droit international et l’exécution des responsabilités individuelles convergent.

La troisième option, le Tribunal Pénal International Spécial (ad hoc) [32], inspiré des tribunaux pour l’ex‑Yougoslavie ou le Rwanda. Sa création nécessiterait une résolution du Conseil de sécurité, un financement international important et un mandat clair avec des ressources adéquates. Ses bénéfices seraient réels: légitimité internationale, expertise spécialisée et capacité à traiter de nombreux cas, avec un symbole fort de condamnation des crimes graves. Mais les obstacles politiques et financiers demeurent, tout comme la durée et la complexité des procédures.

Enfin la quatrième option réside dans le tribunal hybride [33], qui combine des juges internationaux et des juges nationaux, et mêle droit international et droit national. Ce modèle a été testé avec des résultats variés dans des contextes similaires: le tribunal spécial pour la Sierra Leone, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, ou le tribunal spécial pour le Liban. Pour la Syrie, des possibilités pourraient inclure un accord entre l’ONU et un futur gouvernement syrien, une installation dans un pays tiers, ou encore l’implication de juges arabes afin de renforcer la légitimité régionale et la compréhension locale des enjeux. Le défi réside dans la coordination entre les systèmes juridiques et dans le consentement politique des acteurs régionaux.

L’universitaire Ruti Teitel, reconnue pour sa contribution majeure à la réflexion autour de ce concept, offre une synthèse claire : « La justice transitionnelle n’est pas une recette, mais un cadre. Elle oblige les sociétés à regarder leur passé en face, tout en posant les conditions de leur avenir démocratique. » 

Au-delà des mécanismes purement judiciaires, les mécanismes non judiciaires jouent un rôle crucial pour construire une mémoire collective, réparer les victimes et réformer les institutions afin d’éviter la répétition des abus. Les commissions vérité et réconciliation pourraient établir un récit historique factuel du conflit, donner la parole aux victimes, identifier les causes structurelles et formuler des recommandations concrètes pour la réconciliation. Pour être efficaces, elles nécessitent indépendance et impartialité, une participation inclusive de toutes les communautés, un mandat clair et une période définie, des ressources suffisantes et, surtout, des mécanismes robustes de protection des témoins. En Syrie, les défis seraient considérables en raison de la polarisation sociale, de la méfiance envers les institutions et des enjeux de sécurité; il faudrait veiller à une coordination étroite avec les procédures judiciaires et à la protection des témoins dans un contexte potentiellement volatile.

Les programmes de réparation offrent une autre voie tangible pour réparer les torts subis et restaurer une dignité individuelle et collective. Ils peuvent prendre des formes matérielles, symboliques et de réadaptation. Les réparations matérielles incluent des compensations financières pour les pertes, la restitution de propriétés, une assistance médicale et psychologique, et des bourses d’études pour les enfants de victimes. Les réparations symboliques englobent la mise en place de mémoriaux et monuments, l’instauration de jours de commémoration et des excuses publiques officielles, accompagnées d’une reconnaissance publique des souffrances endurées. Les programmes de réadaptation visent des soins de santé, des services sociaux et un soutien à la réintégration des personnes affectées. Les défis pratiques restent importants : ressources financières limitées, identification et enregistrement des victimes, équité dans la distribution et prévention de l’apparition de nouvelles divisions sociales.

La réforme du secteur de sécurité est indispensable pour prévenir les violations futures et restaurer la confiance dans l’État. Ses objectifs prioritaires incluent le démantèlement des structures responsables d’abus, le filtrage du personnel (vetting) [34], la formation aux droits humains, l’établissement de mécanismes de contrôle civil et la transparence et responsabilité du système. Ceci recouvre les forces armées, les services de renseignement, la police et le système judiciaire et pénitentiaire. Enfin, toute réforme institutionnelle et politique doit s’appuyer sur une nouvelle constitution garantissant les droits fondamentaux, l’établissement d’un système judiciaire indépendant, la décentralisation administrative, la protection des minorités et des mécanismes de participation citoyenne, afin d’ancrer durablement la démocratie. Pour que la justice transitionnelle soit réellement efficace en Syrie, il faut l’approcher de manière intégrée et progressive: la justice pénale ne peut à elle seule suffire. Elle doit être accompagnée d’outils de vérité pour éclairer le passé, de mécanismes de réparation pour réparer les torts et de réformes structurelles pour transformer les institutions et les pratiques. Cette approche holistique, mêlant responsabilité, réparation et réforme, est indispensable pour construire une paix juste et durable, préserver la dignité des victimes et offrir à tous les Syriens une perspective d’avenir plus sûre et plus humaine. Treize années de guerre y ont laissé une trace tragique: fosses communes, prisonniers portés disparus, villes dévastées et millions de réfugiés éparpillés dans la région et au-delà. Anwar al‑Bunni, avocate syrienne et militante des droits humains ayant documenté les crimes du régime, insiste sur les enjeux essentiels : sans vérité, la confiance restera hors d’atteinte; sans justice, la paix ne sera jamais possible. Iyad Al‑Shaarani rappelle que la justice transitionnelle n’est pas un concept importé de l’extérieur mais une nécessité incontournable. Selon lui, refuser aux familles des disparus l’accès à la vérité et à la justice condamnerait la Syrie à rester prisonnière de ses traumatismes : « La justice transitionnelle n’est pas une idée importée de l’extérieur. C’est une nécessité. Si nous ne donnons pas aux familles de disparus le droit à la vérité et à la justice, alors la Syrie restera prisonnière de ses blessures. »

Mur des disparus. Des portraits de personnes portées disparues sont exposés partout dans Damas. Ici, à Al Marjeh Square, les photos fanent au soleil à mesure que les familles attendent inlassablement un début de réponse à leurs espoirs. Damas, Damas, Syrie. 13 Octobre 2025. © Audrey M-G./SpectoMédia.

ANNEXES

[1]: Tribunaux hybrides: ce sont des systèmes judiciaires qui combinent des éléments du droit coutumier ou traditionnel avec des procédures et garanties du droit étatique moderne. L’objectif est d’adapter le processus judiciaire aux réalités locales tout en assurant des standards minimaux de droit, d’équité et de recours. Dans le cadre post-conflit, des tribunaux hybrides peuvent inclure des juges nommés par l’État et par la communauté, des règles procedurales mixtes, et une compétence pour juger des crimes graves ou des infractions liées au conflit, tout en préservant des droits des accusés, des victimes et des témoins.

     Mécanismes communautaires Gacaca: les Gacaca étaient des tribunaux communautaires mis en place au Rwanda après le génocide de 1994 pour accélérer les procédures, résoudre les litiges et faciliter la réconciliation. Opérant au niveau des communautés locales, ils traitaient des actes liés au génocide (par exemple, infractions contre des personnes et des biens) et mettaient l’accent sur la vérité, la réparabilité des torts et la réintégration communautaire. Les mécanismes Gacaca combinaient des éléments de justice locale, de reddition de comptes et de procédés plus informels (audiences publiques, témoignages communautaires), tout en étant supervisés par des autorités judiciaires nationales et en s’appuyant sur le droit national.

[2]: Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY): cour pénale internationale ad hoc créée par l’ONU en 1993 pour juger les crimes les plus graves commis dans l’ex-Yougoslavie à partir de 1991 (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et, partiellement, crimes d’agression), en visant la responsabilité individuelle et le développement du droit pénal international.

[3]: Daech, acronyme de l’arabe الدولة الإسلامية في العراق والشام (Al-Dawla al-Islāmiyya fī l-ʿIraq wa-Shām), également appelé État islamique (EI), est un groupe jihadiste sunnite qui se proclame État et cherche à instaurer une gouvernance islamiste radicale. Il a émergé dans les années 2000 en Irak, s’est nationalisé sous l’ISIL/Daech après 2013-2014, et a mené une campagne violente de conquête territoriale, de purges et d’atrocités, tout en menant des actes de terrorisme internationaux. Le groupe a perdu la majorité de son territoire au milieu des années 2010, mais il demeure actif sous des formes insurgentes et clandestines, et est désigné comme organisation terroriste par de nombreux pays et organisations internationales.

[4]: Al-Nosra, nom complet Jabhat al-Nosra (anciennement Jabhat al-Nusra; aussi appelé Front al-Nosra), est un groupe jihadiste sunnite syrien fondé en 2011-2012 comme une branche d’Al-Qaïda opérant en Syrie. Son objectif déclaré est d’instaurer un régime islamiste selon une interprétation salafiste; il a mené des combats contre le gouvernement syrien et a engagé des actions contre des combattants rivaux et des civils. Le groupe est considéré comme organisation terroriste par de nombreux pays et organisations internationales. En 2015-2016, il a annoncé une certaine affiliation avec l’État islamique, puis a du changer de nom et d’alliances; il est généralement reconnu comme un acteur clé du paysage djihadiste syrien.

[5]: Forces démocratiques syriennes (FDS) est une alliance militaire multiethnique et multiconfessionnelle syrienne, dominée par les YPG/YPJ kurdes, créée vers 2015 dans le cadre de la lutte contre l’État islamique. Elle regroupe des unités kurdes, arabes, assyriennes et d’autres groupes locaux, et est soutenue par la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Son objectif principal est la défense du nord et de l’est de la Syrie et la mise en place d’une autonomie locale, tout en s’opposant à l’extrémisme djihadiste.

[6]: Le terme « Dossier César » (ou « Caesar Files ») désigne des milliers de photographies et documents publiés par une source anonyme prouvant les actes de torture et les crimes commis par les autorités syriennes pendant le conflit syrien. Le nom « Caesar » vient de l’alias utilisé par le lanceur d’alertes ou de la source qui a partagé ces images et données, qui montrent des détenus torturés et des violations des droits humains. Ces éléments ont été utilisés par des ONG, des rapports d’enquêtes et des procédures judiciaires internationales pour documenter les abus, établir des faits et soutenir des poursuites ou des résolutions politiques. 

[7]: Cf:  https://spectomedia.org/2025/02/28/de-palmyre-a-saydnaya-un-enfer-nomme-al-assad/

[8]: Le régime syrien est accusé d’avoir ciblé divers groupes selon leur religion, ethnie, appartenance politique ou statut social, avec des actes tels que détentions, tortures, exécutions et déportations. Les groupes visés incluent des Sunnites et Alaouites perçus comme opposants, Druzes et minorités chrétiennes, Kurdes et Assyriens/Chaldéens, ainsi que des opposants politiques, militants des droits humains, journalistes et élites locales perçues comme réconciliants avec l’opposition. Le cadre est descriptif et dépend du contexte régional et temporel.

[9]: Armes chimiques: substances chimiques utilisées comme armes pour infliger la mort, des blessures graves ou la maladie, par inhalation, contact ou ingestion, souvent classées selon leur champ d’application (gaz toxiques, agents neurotoxiques, etc.) et interdites par le droit international.

Gaz sarin et chlore: sarin est un neurotoxique organophosphoré extrêmement toxic, agissant sur le système nerveux central et périphérique; chlore est un gaz irritant simple, utilisé comme arme chimique, provoquant des lésions des voies respiratoires et des brûlures, et sa possession/usage est interdit par les conventions internationales.

[10]: HRW (Human Rights Watch)
– Under Assad’s Sky: The Use of Child Soldiers by Pro-Government Militias in Syria. HRW. Année: 2015. Auteur: HRW. Lien: à confirmer sur le site HRW.
– Syria: Children in Harm’s Way (sections sur le recrutement par des milices pro-gouvernementales). HRW. Année: 2013–2015. Auteur: HRW. Lien: site HRW.
– No One to Trust: Child Recruitment by Pro-Government Militias in Syria. HRW. Année: 2013. Auteur: HRW. Lien: site HRW.
– Rapports thématiques sur les crimes de guerre en Syrie (sections dédiées aux enfants dans les milices alliées au régime). HRW. Année: variée (2012–2020). Auteur: HRW. Lien: site HRW (collection Syria).

       Amnesty International
– Syria: The Hidden Scars of Child Recruitment by Pro-Government Forces. AI. Année: 2014. Auteur: AI. Lien: site AI.
– Living in Fear: Children in Syria and the Use of Child Soldiers by Pro-Government Groups. AI. Année: 2016. Auteur: AI. Lien: site AI.
– Rights of the Child in Syria: Conflicts and Forced Recruitment by Pro-Government Actors. AI. Année: 2012–2018. Auteur: AI. Lien: site AI.

      Rapports et sources complémentaires
– Rapports d’ACI/ACLED et autres bases de données sur le conflit syrien (mentions de groupes pro-gouvernementaux et recrutement d’enfants). Année: 2012–2024. Auteur: divers chercheurs-analystes. Lien: ACLED.

[11]: Pendant la guerre civile, des actes coordonnés et systématiques ont frappé des sites archéologiques, monuments et œuvres d’art, entraînant la disparition ou la dégradation irréversible de pans entiers du patrimoine culturel. Des groupes armés, y compris des factions affiliées ou soutenues par le régime, ont volé, vendu ou détruit des sites terrestres et souterrains, parfois pour financer le conflit ou par idéologie. Les dommages ont inclus démolition, dynamitage, vandalisme, et spoliation d’objets culturels, aggravant la perte irremplaçable du patrimoine universel.

   *UNESCO
– The Destruction of Syria’s Cultural Heritage (Rapport et plaidoyer) – Lien: https://en.unesco.org/news/destruction-syria-s-cultural-heritage
– Syria: Destruction of cultural heritage in Syria  – Lien: https://en.unesco.org/fieldoffice/beirut/commemorating-syria-destruction-cultural-heritage
– Convention et cadre de sauvegarde du patrimoine mondial – Lien: https://ich.unesco.org/fr/convention

   *HRW
– The Destruction of Cultural Heritage in Syria – 2014 et suivis – Lien: https://www.hrw.org/topic/syria
-Attacks on cultural heritage in Syria – 2013-2020 – Lien: https://www.hrw.org/topic/conflict-armed-forces-and-protection-civilians

[12]: Siège et famine délibérés: pratique militaire visant à soumettre une population civile par la privation intentionnelle de nourriture et d’autres biens vitaux, réalisée dans le cadre d’un siège ou d’opérations militaires. Sur le plan juridique, ces actes peuvent constituer des crimes de guerre au titre des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I, qui interdisent les attaques délibérées contre les civils et les obstructions à l’aide humanitaire. Selon l’ampleur et l’intention, ils peuvent aussi relever du crime contre l’humanité lorsque des attaques systématiques ou une persécution visent une population particulière. La jurisprudence de la Cour pénale internationale (CPI/ICC) et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a confirmé que la famine intentionnelle et le blocus ciblé de l’aide humanitaire peuvent être qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité lorsque les critères d’intention, de gravité et d’échelle sont réunis.

[13]: *HRW
– ISIS/Daesh Child Soldiers (Rapport HRW spécifique sur l’usage des enfants par l’EI en Syrie et en Irak, sections syriennes) – 2014-2015 – Lien: https://www.hrw.org/topic/middle-east/north-africa/iraq
– Children’s rights in Syria: abuses by Kurdish-led forces – 2017 – Lien: https://www.hrw.org/report/2017/04/11/children-rights-syria-abuses-kurdish-led-forces

         *Amnesty International (AI)
– ISIS: Child Soldiers (Syria section) – 2014- Lien: https://www.amnesty.org/en/latest/news/2014/06/isis-child-soldiers/
– Syria: Children in the Crossfire (sections sur le recrutement par Daesh et les milices associées en Syrie)
– 2015 – Lien: https://www.amnesty.org/en/latest/news/2015/03/syria-children-in-the-crossfire/

[14]: Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR): court en droit international créé par les Nations Unies en 1994 pour juger les responsables des crimes commis au Rwanda en 1994 (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre). Il opérait jusqu’en 2015-2016, a rendu des condamnations historiques sur des niveaux individuels de responsabilité (commandement et complicité), et a développé des principes clés du droit pénal international; ses travaux ont influencé la jurisprudence sur le droit du génocide, la responsabilité des dirigeants et les systèmes judiciaires post-conflit.

[15]: Commissions Vérité et Réconciliation (CVR) comme en Afrique du Sud: mécanismes créés après des conflits ou régimes autoritaires pour établir publiquement les torts et les violations passées, reconnaître les victimes, révéler les faits, offrir des programmes de réhabilitation et favoriser la réconciliation. Elles permettent des témoignages et des révélations sous protection, proposent des recommendations de réforme, et, parfois, prévoient des mécanismes de réparation. Leur objectif est de promouvoir la vérité historique, la responsabilité et des mesures réparatrices, sans nécessairement imposer des sanctions pénales, bien que leurs recommandations puissent influencer des poursuites ultérieures ou des réformes institutionnelles.

[16]: Procès nationaux post-dictature: procédures pénales ou judiciaires menées par des systèmes juridiques d’un État pour établir la responsabilité des acteurs d’une dictature ou d’un régime autoritaire, souvent après une transition ou une période de transition. Ils visent à poursuivre des crimes commis pendant la période concernée (crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre, détentions illégales, tortures), à établir les faits et à délivrer des peines ou réparations. Ces procès peuvent être menés par des juridictions nationales, avec ou sans coopération internationale, et s’inscrivent dans des efforts de justice transitionnelle et de réconciliation.

[17]: Tribunal Militaire International de Nuremberg: cour pénale supranationale créée par les Alliés en 1945 pour juger les principaux responsables du génocide et des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’un des premiers tribunaux internationaux modernes, procédant à des condamnations individuelles, en établissant des normes du droit international et en posant les bases de la justice pénale internationale et des principes de responsabilité pour les dirigeants.

[18]: Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR): établi en 1994 et basé à Arusha (Tanzanie) pour juger les responsables du génocide rwandais de 1994. C’était une cour pénale internationale ad hoc qui a rendu des condamnations historiques pour crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre, et a développé des principes sur la responsabilité individuelle, les crimes de génocide et le droit humanitaire international.

[19]: Condamnations de Ratko Mladić et Radovan Karadžić: jugements rendus par le TPIY (tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) en 2010 (Mladić) et 2011 (Karadžić), condamnant ces deux anciens dirigeants bosniaques pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre liés au siège de Sarajevo et au massacre de Srebrenica. Ces condamnations illustrent la responsabilité individuelle des dirigeants dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et renforcent le cadre du droit pénal international.

[20]: Les Mères de Srebrenica: groupe de femmes bosniaques qui ont perdu des proches lors du massacre de Srebrenica en 1995 et qui se sont mobilisées pour obtenir vérité, justice et commémoration. Elles jouent un rôle crucial dans la sensibilisation internationale, les recherches sur les victimes et les demandes de reconnaissance officielle des crimes commis, tout en plaidant pour les droits des survivants et la prévention des atrocités futures.

[21]: Nunca Más (Rapport Nunca Más): terme espagnol qui désigne les rapports officiels publiés après des périodes de répression en Amérique latine, notamment en Argentine (1983) après la dictature, afin de documenter les violations des droits humains, d’identifier les responsables et de proposer des mesures de réparation et de réforme. Le rapport emblématique a caractérisé les « desaparecidos », les arrestations et les tortures, et a servi de base à la justice transitionnelle et à la mémoire collective.

[22]: Commission Rettig: Commission nationale chargée par le gouvernement chilien en 1991 d’enquêter sur les violations des droits humains commises pendant la dictature (1973–1990). Son rapport, publié en 1991, documente les exécutions, disparitions et tortures, identifie les responsables et formule des recommandations pour la réconciliation, des mesures de réparation et des réformes des institutions. Elle est une composante clé de la transition démocratique chilienne et d’un cadre de justice transitionnelle.

[23]: Mères de la Place de Mai: groupe de femmes argentines fondé en 1977 qui réunit des mères (et parfois des épouses) de personnes portées disparues pendant la dictature (1976–1983). Elles mènent des actions publiques pour obtenir vérité, justice et la reprise des morts, en organisant des manifestations hebdomadaires sur la Plaza de Mayo et en œuvrant pour la mémoire, les droits humains et les réformes institutionnelles. Leur activisme symbolise la résistance civique et le processus de justice transitionnelle en Argentine.

[24]: Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud: mécanisme instauré après l’apartheid (1996–1998) pour établir publiquement les torts passés, entendre les témoignages des victimes et des auteurs, et proposer des réparations et réformes institutionnelles afin de favoriser la réconciliation et la transition démocratique. Elle a été guidée par des principes de vérité, de justice transitionnelle et de réforme structurelle, sans poursuites pénales généralisées mais avec des possibilités de déportation ou de commissions spécialisées pour les cas révélés.

[25]: Accords de Taëf: accord de paix signé en 1989 à Taëf (Arabie Saoudite) qui a mis fin à la guerre civile libanaise en imposant une réorganisation constitutionnelle et un partage du pouvoir entre les communautés chiite, sunnite et chrétienne. Il prévoit une réduction progressive des forces étrangères, la dissolution des milices et des mécanismes de répartition du pouvoir (présidence, premiership, leadership parlementaire) afin de stabiliser le Liban et de préparer une transition politique vers une autorité civile.

[26]: Approche holistique de la justice transitionnelle: cadre intégré qui combine vérité, justice pénale, réparation, réconciliation et réforme institutionnelle pour traiter les causes profondes des conflits. Elle prévoit des processus parallèles et coordonnés ( commissions vérité, mécanismes de réparation, réformes judiciaires, sécurité, réintégration sociale) afin de répondre aux besoins des victimes, prévenir les récidives et construire des institutions plus transparentes et responsables.

[27]: Iyad al-Gharib et Anwar Raslan sont deux figures associées à des crimes commis pendant le conflit syrien. Iyad al-Gharib, ancien officier syrien, a été condamné en 2021 pour crimes contre l’humanité et torture, illustrant la responsabilité individuelle des responsables pour les abus infligés à des détenus et des civils. Anwar Raslan, ex-colonel syrien, a été condamné en 2022 à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, torture et exécutions extrajudiciaires, lié à des actes commis dans les prisons et les structures répressives du régime. Ensemble, leurs condamnations témoignent des efforts de justice pénale internationale et nationale pour répondre aux graves violations des droits humains et pour reconnaître la souffrance des victimes. Si vous le souhaitez, je peux ajouter les détails des affaires (chefs d’accusation, juridictions) et proposer des sources.

[28]: En Suède, des condamnations pour crimes de guerre ont été prononcées, reflétant l’engagement du pays à tenir pour responsables des auteurs de violences liées au régime syrien, selon le droit international et le droit national. Aux Pays-Bas et en Autriche, des procédures en cours ciblant d’anciens responsables syrien s’inscrivent dans une logique de justice universelle: ces affaires visent à établir la responsabilité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, peu importe où les actes ont eu lieu, afin d’apporter reconnaissance, réparations et réassurer les victimes. Au global, ces actions illustrent une approche de justice transitionnelle qui cherche à responsabiliser les auteurs majeurs et à soutenir les survivants, tout en renforçant les normes internationales sur les crimes graves.

[29]: Cour pénale internationale (CPI): cour permanente créée en 2002 pour juger les personnes accusées des crimes les plus graves (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et, dans certains cas, crime d’agression) lorsqu’aucune autre juridiction nationale compétente ne peut ou ne veut agir. Elle repose sur le statut de Rome et instruit des enquêtes, poursuit des individus et rend des verdicts, avec une compétence complémentaire aux systèmes judiciaires nationaux.

[30]: Statut de Rome: traité fondateur qui établit la Cour pénale internationale (CPI) et définit les crimes jugés (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression). Adhère à la Cour et organise ses compétences, procédures et exécutoires, servant de base juridique au fonctionnement de la CPI depuis son entrée en vigueur en 2002.

[31]: Conseil de sécurité de l’ONU: organe principal des Nations Unies chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales. Composé de 15 membres (5 permanents avec véto et 10 non permanents élus), il peut adopter des résolutions qui obligent les États membres, autoriser l’emploi de la force ou des mesures de sanctions, et superviser des missions de paix et des initiatives humanitaires. Ses décisions s’appuient sur la Charte des Nations Unies et influencent fortement la politique internationale en matière de sécurité.

[32]: Tribunal Pénal International Spécial (ad hoc) (TPIS): cour pénale créée pour un conflit ou une période précise par le Conseil de sécurité ou un accord international, destinée à juger des crimes graves commis pendant ce contexte particulier. Elle opère indépendamment des tribunaux permanents, avec compétence limitée dans le temps et l’espace, et rend des verdicts sur des individus responsables. Exemples historiques: TPIY (Yougoslavie), TPIR (Rwanda).

[33]: Tribunal hybride: système judiciaire qui combine des éléments du droit national et du droit international, avec des juges et procédures partagés entre l’État hôte et des partenaires internationaux ou des institutions supranationales. Il vise à traiter des crimes graves dans un contexte post-conflit tout en s’appuyant sur le cadre légal et les garanties du droit international, tout en restant ancré dans le système juridique national.

[34]: Le filtrage du personnel (vetting) est un processus d’évaluation approfondie visant à vérifier l’intégrité, la fiabilité, les antécédents et les éventuels risques associés à une personne avant de lui confier un poste sensible, notamment dans des contextes de sécurité, de justice transitionnelle ou d’institutions publiques.